Si je me retrouve à posséder une arme, que dit la loi suisse ?
Je viens d’hériter d’une arme à feu que je souhaite conserver. Que dois-je faire ? Ou au contraire, je veux m’en séparer. Quelles sont mes possibilités ? La question se pose d’autant plus avec le dernier changement de la loi sur les armes, qui entre en vigueur le 15 août 2019. Des questions importantes, surtout en Suisse, un pays où l’on compterait plus de 3 millions d’armes à feu. Point de situation et contexte général.
Le 19 mai 2019, les Suisses ont accepté en votation à 63,7 % une révision partielle de la loi sur les armes. Si les changements apportés sont mineurs, ils peuvent néanmoins demander quelques démarches à effectuer suivant les armes que l’on possède.
Notons d’abord que la majorité des armes en circulation en Suisse ne sont pas impactées par la modification de la loi. En effet, rien ne change pour les armes d’ordonnance (donc militaires) qui restent régies par les dispositions militaires.
Les changements concrets de la loi sur les armes
La révision de la loi vise à aligner la législation suisse avec les normes européennes. À cet effet, les armes à feu semi-automatiques changent de catégorie ; leur acquisition demandera une autorisation exceptionnelle. On parle ici :
- Des armes à feu à épauler semi-automatiques munies d’un chargeur de grande capacité (plus de 10 cartouches) ;
- Des armes à feu de poing semi-automatiques munies d’un chargeur de grande capacité (plus de 20 cartouches) ;
- Des armes à feu à épauler semi-automatiques avec crosse pliable ou télescopique, dont la longueur totale peut être raccourcie à moins de 60 cm sans perte fonctionnelle.
Les possesseurs de ce type d’armes n’auront aucune démarche à effectuer, si elles ont déjà été déclarées aux entités cantonales du canton de domicile. La liste des différents offices cantonaux des armes est disponible sur le site de fedpol.
Si ces armes n’ont pas été déclarées, cela devra être fait dans les 3 ans à venir. Notons que la déclaration est gratuite.
En cas de doute, le plus simple est de contacter directement les offices cantonaux pour connaître le statut de son arme (déclaré ou non).
Les permis d’acquisition d’armes restent valables après le 15 août. Ils ont toujours une validité de 6 mois. Durant cet intervalle de temps, les permis ne sont pas soumis à la nouvelle loi.
Pour les tireurs sportifs, l’acquisition d’une arme concernée par la loi ne sera pas véritablement plus compliquée. Il suffira d’être membre d’une société de tir ou de prouver qu’il y a une utilisation régulière de cette arme pour le tir sportif (5 séances de tir en 5 ans).
Cette preuve est à fournir 5 ans et 10 ans après avoir acheté l’arme en question. Elle se fait auprès de l’office cantonal des armes via un formulaire, le livret de service ou le livret de performance militaire.
La loi ne complique pas non plus la pratique du tir sportif pour les non-initiés ou pour les jeunes tireurs. De ce côté-là, rien ne change : les personnes souhaitant commencer le tir peuvent se renseigner auprès des stands de tir proches de chez eux. Les jeunes tireurs, eux, restent soumis au droit militaire.
Finalement, la révision de la loi visant surtout à améliorer la traçabilité des armes et de leurs différents composants, ce sont peut-être les collectionneurs et musées qui sont le plus concernés.
Ces personnes et entités pourront toujours acquérir des armes concernées par le changement de loi. Il leur faut cependant prouver que les armes seront stockées et présentées de façon sécurisée. Un inventaire des différentes armes doit également être tenu. Les collectionneurs ou musées qui auraient des armes non déclarées, mais concernées par la révision de loi doivent en informer l’office cantonal des armes.
Si ce début de texte vous a paru complexe parce que vous ne possédez pas d’armes, c’est normal. Au-delà de la nouvelle loi, nous allons reprendre les éléments depuis le début pour bien comprendre ce qu’il peut se passer et ce que l’on doit faire avec les armes en matière de succession.
La loi sur les armes pour les nuls
Deux textes fixent le cadre légal sur les armes en Suisse, pour la société civile : il s’agit de la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (LArm) fraîchement révisées donc, et de l’Ordonnance sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (OArm). Ensuite, les armes sont réglementées par les offices cantonaux compétents.
Il faut déjà préciser ce qui est considéré — aux yeux de la loi — comme des armes et comment on les catégorise :
- Armes à feu (pistolets, revolvers, fusils, armes semi-automatiques)
- Armes à air comprimé et au CO2
- Armes factices, d’alarmes et soft air
- Couteaux de plus de 12 centimètres donc au moins 5 de lame (couteaux papillon, couteaux à lancer, crans d’arrêt automatiques)
- Poignards à la symétrique de moins de 30 centimètres
- Engins conçus pour blesser des êtres humains (matraques, étoiles à lancer, coups de poing américains, frondes, etc.)
- Appareils à électrochocs et sprays (sprays irritants par exemple, sauf sprays au poivre)
Les armes anciennes (armes à feu fabriquées avant 1870 et armes blanches fabriquées avant 1900) font l’objet de dispositions spéciales, sauf en matière de port d’armes et de transport.
Qui peut avoir une arme en Suisse ?
N’importe quel citoyen suisse peut acquérir une arme, s’il répond aux critères suivants :
- Être majeur ;
- Ne pas être sous curatelle ou un mandat pour cause d’inaptitude ;
- Donner des garanties d’une utilisation sécurisée de l’arme pour soi ou pour les autres ;
- Avoir un casier judiciaire vierge de tout acte violent ou dangereux ou de crimes ou délits répétés.
Les mineurs pratiquant le tir sportif peuvent se voir prêter une arme s’ils répondent aux trois derniers critères. De plus, le représentant légal doit donner son accord par écrit.
De leur côté, les étrangers habitant en Suisse qui souhaitant obtenir une arme doivent avoir un permis et une attestation officielle de leur pays d’origine. Les personnes titulaires d’un permis C ne sont pas soumises à ce régime.
Les étrangers vivant en Suisse et les armes
Notons que les ressortissants de certains pays ne peuvent normalement pas obtenir d’armes. Il s’agit des personnes originaires de l’Albanie, l’Algérie, la Bosnie et Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine, la Serbie, le Sri Lanka, la Turquie.
La Confédération explique qu’il s’agit de zones de conflits et que des confrontations liées à ces conflits ce sont ou pourraient se produire en Suisse. De plus, selon le gouvernement, des armes à feu de Suisse ont été exportées illégalement dans ces pays.
L’importation et l’exportation d’armes, à titre définitif ou provisoire (transit), nécessitent de remplir des formulaires et attestations. La complexité des démarches va dépendre des pays concernés (Schengen ou non), du type d’arme et des raisons de son déplacement (déménagement, compétition de tir ou chasse).
Les différents types d’armes
Les démarches à effectuer pour obtenir une arme à feu vont dépendre de sa nature. On en distinguera trois types :
- Les armes soumises à déclaration
Pistolets à lapins ; armes à feu d’alarme ; fusils de chasse à un coup
- Les armes soumises à autorisation
Pistolets ; revolvers ; fusils à pompe ; fusils et carabines semi-automatiques munis de chargeurs de petite capacité
- Les armes interdites, nécessitant une autorisation exceptionnelle
Armes à feu automatiques ; mitrailleuses lourdes ; armes semi-automatiques munies de chargeurs de grande capacité (plus de 10 coups pour les fusils et carabines, plus de 20 pour les pistolets) et armes à feu semi-automatiques à épauler avec crosse pliable ou télescopique ; dispositifs d’appoint pour une arme à feu (visée laser ou nocturne, lance-grenades)
Quelles démarches pour quelles armes ?
Si l’on souhaite obtenir une arme soumise à déclaration (auprès d’un magasin ou d’un particulier), un contrat doit être signé. Celui-contient des informations sur l’aliénateur (celui qui vend l’arme), sur l’acquéreur et sur l’arme en elle-même.
Un exemplaire de ce contrat est disponible sur le site de l’Office fédéral de la police (fedpol).
Les Cantons étant en charge de faire appliquer la loi, une copie du contrat doit être remise à l’office compétent dans les 30 jours après acquisition. S’il est disponible, un extrait du casier judiciaire de l’acquéreur doit être joint au document.
Les armes soumises à autorisation peuvent être achetées grâce à un permis d’acquisition d’armes. Celui-ci s’obtient auprès des offices cantonaux, grâce à un formulaire de demande. Les démarches doivent être effectuées avant d’acquérir l’arme.
Finalement, les armes interdites nécessitent une autorisation exceptionnelle. Une demande écrite doit être envoyée l’office cantonal des armes. Il faut alors donner les raisons pour lesquelles on souhaite acquérir une arme interdite. Ces autorisations exceptionnelles sont délivrées aux tireurs sportifs, aux collectionneurs et aux musées.
Comme pour les armes soumises à autorisation, les armes interdites nécessitent que les démarches soient faites en amont.
Pour rappel, vous trouvez la liste des différents offices cantonaux des armes sur le site de fedpol.
Les autres points importants de la loi sur les armes
Notons qu’une fois l’arme obtenue, il y a certaines restrictions et contraintes :
- Un port d’armes est nécessaire pour avoir une arme dans l’espace public. Il faut cependant que la personne prouve qu’elle a besoin d’une arme pour se protéger ou protéger d’autres personnes. Un examen théorique et pratique doit être passé.
- Le port d’armes n’est pas nécessaire dans des événements de tir, ou en cas de trajet vers ou depuis une caserne militaire, un arsenal, un stand de tir, un magasin d’armes, une manifestation liée aux armes ou encore un nouveau domicile. L’arme et ses munitions doivent être séparées.
- Il est interdit de tirer dans l’espace public, en dehors des places et manifestations de tir.
- Certaines munitions (à noyaux durs, explosives ou incendiaires) sont interdites.
- Les armes doivent être conservées avec prudence et ne doivent pas être accessibles par d’autres personnes que celle qui en est le propriétaire.
Ces précisions faites, intéressons-nous maintenant à la succession.
Hériter d’une arme en Suisse
Aux yeux de la loi, hériter d’une arme revient à acquérir une arme. Le processus est le même. On peut donc appliquer les directives vues précédemment.
Si l’on veut garder l’arme après une succession
S’il y a plusieurs héritiers, l’office cantonal demandera (à celui qui veut garder l’arme) une attestation signée par les cohéritiers pour certifier qu’ils renoncent à leur possession. Si la succession comprend plusieurs armes, un inventaire devrait être effectué.
Une fois ces questions réglées, l’héritier devra commencer par distinguer la catégorie de l’arme pour savoir quelles démarches effectuer. Pour les armes à feu soumises à déclaration, il est impossible de signer un contrat avec le défunt. L’héritier doit donc simplement la déclarer à l’office cantonal des armes. Concrètement, cela donne :
Soumise à déclaration = déclaration auprès de l’office cantonal des armes
Soumise à autorisation = demande de permis d’acquisition d’arme
Arme interdite = autorisation cantonale exceptionnelle
Les mêmes restrictions que précédemment s’appliquent aussi. Par exemple, quelqu’un sous tutelle ne pourra pas hériter d’une arme. Un étranger (sans permis C) devra fournir une attestation de son pays d’origine, alors qu’un ressortissant du Sri Lanka ne pourra pas hériter de l’arme.
Même si cela a été mentionné précédemment, la loi oblige à stocker les armes avec prudence. Elles ne doivent pas être accessibles par d’autres personnes que celle qui en est le propriétaire. Ce rappel est essentiel si l’on part du principe que les héritiers n’ont jamais possédé d’armes auparavant. Si ces derniers ont des enfants, ils doivent être sensibilisés à cette présence nouvelle d’une arme au sein de leur environnement.
Cela limitera le risque d’accident.
Pour toute succession d’arme à feu, les héritiers ont un délai de 6 mois pour effectuer les démarches auprès de leur office cantonal.
Se débarrasser d’une arme dont on a hérité
Si les héritiers ne souhaitent pas garder l’arme acquise par succession, ils peuvent vendre ou donner l’arme issue de la succession durant ce délai de 6 mois. Bien évidemment, ils doivent s’assurer que la personne à qui l’on aliène (c’est-à-dire à qui on vend ou transfère la propriété) l’arme soit autorisée à l’acquérir.
À noter que si la vente ou le don d’une arme dépasse ce délai de 6 mois, les héritiers doivent se faire les démarches pour se mettre aux normes personnellement, avant d’aliéner le bien.
Il est aussi possible de déposer n’importe quelle arme à la police cantonale, qui la détruira ou la transmettra à un musée si la pièce est digne d’intérêt.
Notons finalement que si une arme est retrouvée chez la personne décédée après le délai de 6 mois, et que les héritiers en ignoraient l’existence, elle doit être déclarée à l’office cantonal. Selon l’émission On en parle de la RTS, les héritiers ne risquent pas grand-chose sur le plan juridique, les offices cantonaux étant plutôt contents que des armes non déclarées ne soient pas en circulation.
[CHECK-LIST] : Préparer la succession d’une arme
Pour éviter ce genre de surprises, quelques mesures peuvent être prises :
- Informer son entourage des armes que l’on possède
- Tenir un inventaire de ses armes à jour et le conserver avec les autres documents importants (testament, directives anticipées, etc.)
- Réfléchir à la personne à laquelle on souhaite léguer ses armes
- La prévenir
- S’assurer que cet héritage ne sera pas une charge pour elle
- Lui expliquer les précautions de sécurité (utilisation, stockage) à prendre
- L’informer des démarches à effectuer pour se mettre en conformité avec la loi
- Si aucun de ses descendants ne souhaite reprendre les armes, penser à une autre manière de les transmettre
- Vente ou don à des particuliers/musées/collectionneurs
- Ramener ses armes à la police
Pour aller plus loin : La Suisse et les armes
La Suisse et les armes, une histoire d’amour. Selon les différentes estimations, il y aurait entre 2,5 et 3,4 millions d’armes actuellement en circulation dans notre pays. Suivant le nombre pris en compte, la Suisse passe de 18ème à 3èmeau classement mondial du nombre d’armes par habitant. Ce résultat surprenant pour un pays neutre s’explique certainement par l’armée de milice, instaurée à la fin du XVIIIesiècle. Ce système oblige tous les jeunes hommes à servir et rend l’armée suisse historiquement grande, par rapport à la taille du pays.
De plus, tous ces « citoyens-soldats » sont armés et doivent s’entrainer à tirer en dehors du cadre militaire. Ils emportent et stockent donc leur arme chez eux, après leur service.
Voilà notamment pourquoi il y a autant d’armes à feu en circulation en Suisse.
« La Suisse n’a pas d’armée, elle est une armée. »
Bien que cet adage reste ancré dans l’imaginaire collectif, les relations des Helvètes avec le service militaire ont bien changé avec le temps. Dès la fin de la guerre froide, l’idée d’une armée « forte » est devenue moins nécessaire aux yeux des citoyens.
Quelques années plus tard, en 2003, le peuple accepte la réforme Armée XXI, qui réduit l’effectif de l’armée de plus de la moitié. Parallèlement, de plus en plus de soldats décident de laisser leurs armes dans des arsenaux, au lieu de les emporter chez eux. Cela a été le cas de 90 % des militaires en 2017, par exemple. Cela étant, les armes concernent aussi les Suisses en dehors de leur armée.
Un attachement historique aux armes
On recense plusieurs traditions solidement ancrées, comme la chasse ou le tir sportif qui s’est beaucoup développé au XIXesiècle. Aujourd’hui, il serait pratiqué — comme loisir — par plus de 130'000 membres des sociétés de tir. Outre la Fête fédérale de tir, on peut citer plusieurs événements comme « Knabenschiessen » à Zurich ou le Grand tir des abbayes dans le canton de Vaud.
Certes, ces coutumes ont été popularisées peu après la naissance de l’armée de milice, mais elles existent désormais de manière bien distincte du cadre militaire.
Le criminologue Martin Killias résumait d’ailleurs bien le profil des personnes armées en Suisse, dans les colonnes du Temps : « L’écrasante majorité des personnes armées en Suisse sont des militaires actifs ou sont rattachées à l’armée, ou alors ce sont des tireurs sportifs ou des chasseurs. »
Les armes en Suisse vs les armes aux États-Unis
Dans le domaine, on compare souvent la Suisse et les USA, pays où la population est la plus lourdement armée au monde.
Malgré un grand nombre d’armes en circulation dans les deux pays, on dénombre — proportionnellement — bien plus de morts par balles aux USA qu’en Suisse. Si la tuerie de Zug a marqué les esprits, il s’agit de la seule tuerie de masse qui a eu lieu ces dernières années au sein de la Confédération.
Chaque année, un peu plus de 200 décès sont dus aux armes en Suisse, dont environ 90 % de suicides.
Dans le même laps de temps, du côté américain, plusieurs dizaines de milliers de personnes meurent à cause des armes à feu, dans des tueries de masse ou autres accidents. Rien que pour 2015, le Centre fédéral de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a recensé 36 252 morts dans le pays. La même année, « seulement » 231 personnes mouraient par balle en Suisse.
Ces chiffres extrêmes ont même poussé le Daily Show (émission comique d’actualité) à faire un reportage sur les armes en Suisse.
Ailleurs dans le monde
Mais la liste des pays avec les plus d’armes à feu pour 100 habitants ne fait pas apparaitre que la Suisse et les États-Unis avec des statistiques élevées.
Même si les places varient selon les estimations utilisées, le Yémen figure régulièrement sur le podium. La guerre civile qui touche le pays depuis 2014 explique la présence de 54,8 armes à feu pour 100 habitants.
Les pays scandinaves (Finlande ; Suède ; Norvège et Islande) sont aussi représentés. Les lois permissives en vigueur, et une grande tradition de chasse expliquent que l’on y trouve entre 45 et 30 armes à feu pour 100 civils.
En Serbie, ce nombre monte à 37 armes pour 100 habitants. Depuis les guerres des années 90, des millions d’armes sont encore en circulation, alors que le pays est considéré comme une plaque tournante du trafic d’armes vers l’Europe de l’Ouest.
On notera que Chypre est aussi dans les pays les plus armés, avec 36,4 armes à feu pour 100 citoyens. S’il est difficile de savoir exactement pourquoi, il semble que cela soit dû à la présence de plusieurs chasseurs, et au fait que les réservistes et vétérans de l’armée puissent conserver leur arme à la maison.
Une recette pour éviter les homicides par balle
En se penchant sur les différents pays présents dans le classement, on constate que le taux d’homicides par balles y est relativement bas, sauf aux États-Unis — ou dans les pays vivant des conflits et tensions (Irak et Yémen, par exemple).
Selon le site GunPolicy, qui s’intéresse à la politique internationale sur les armes à feu, ces états ont en commun une loi restrictive. Contrairement aux USA, on ne peut pas y détenir une arme très facilement. Ni même en avoir une pour sa protection.
Si de nombreux facteurs socio-économiques entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’homicides par balles, la loi est un élément clé de la gestion des armes à feu.
C’est peut-être pour cela que chaque vote en lien avec les armes voit deux camps s’opposer.
PROTELL, la représentante du lobby des armes en Suisse
D’un côté, il y a PROTELL, une société qui « défend les intérêts de tous les citoyens et citoyennes possédant et portant des armes. » Très libérale, PROTELL s’oppose systématiquement aux restrictions liées aux armes.
PROTELL – et les défenseurs des armes en Suisse — ne sont pas forcément politisés ou affiliés à un parti. Cependant, si l’on considère la volonté d’une intervention minimale de l’état en matière d’armes et des valeurs plutôt conservatrices (utilisation du symbole de Guillaume Tell, sémantique guerrière et sécuritaire), on peut les placer plutôt sur la droite de l’échiquier politique. Dans les élections, les candidats soutenus par PROTELL sont d’ailleurs souvent issus de partis de droite (UDC et PLR) et on peut noter que son président, Jean-Luc Addor, est membre de l’UDC.
Pour les partisans des armes en Suisse, ces dernières sont liées à la souveraineté et aux traditions nationales.
Cette vision a d’ailleurs été largement utilisée lors de la campagne pour le vote du 19 mai 2019. Les pro armes, donc opposées au texte, ont par exemple parlé d’un diktat de l’UE. Leur site web s’appelait d’ailleurs « eu-diktat-nein ».
Le GSsA, ou le lobby anti-armes
De l’autre côté, c’est le GSsA (Groupe pour une Suisse sans armée) qui représente les opposants aux armes en Suisse. Si le GSsA a été créé « dans le but de lancer une initiative populaire pour abolir l’armée suisse », il se définit aussi comme « le lobby anti-armes ».
On peut qualifier le GSsA comme pacifiste, opposé à une logique de sécurité intérieure et souhaitant progressivement désarmer la Suisse et ses citoyens.
Le GSsA soutenait la dernière révision de la loi sur les armes. Pour le groupe, ce texte, bien que peu restrictif, allait dans le bon sens : « Dans les faits, les détenteurs d’armes pourront les conserver, alors que la collectivité bénéficiera de davantage de sûreté face à la violence des armes ».
Proche des milieux de gauche, le GSsA cite en exemple des luttes progressistes, comme l’abolition de l’esclavage et l’introduction du suffrage féminin.
Quel avenir pour les armes en Suisse ?
À l’heure où le monde se dirige vers une transition écologique qui risque de changer profondément la société, il est difficile de prédire les tendances politiques à venir. En effet, les mouvements de fond (même progressistes) peuvent s’accompagner de retour à des valeurs conservatrices, en réaction.
En Suisse, où le premier parti politique reste l’UDC et où la population est attachée à ses traditions, les armes ne vont pas se voir interdites de sitôt. Mais leur déclin pourrait venir de l’armée.
La perte de vitesse de l’armée sonnera-t-elle la fin des armes ?
Ces dernières années, depuis l’accès facilité au service civil, l’armée est sur le déclin. De moins en moins de jeunes suisses souhaitent effectuer leur service militaire. Pour contrer cela, le Conseil Fédéral a choisi de rendre le service civil moins attractif. Une stratégie qui laisse certains observateurs perplexes, alors qu’un référendum pourrait être lancé contre les mesures du gouvernement.
Si le rêve du GSsA avec une Suisse sans armée semble utopique (toutes les initiatives allant dans ce sens ayant été clairement balayées), il n’est pas impossible que l’armée se retrouve à court d’hommes, par manque d’attrait.
On pourrait donc imaginer, à moyen ou long terme, que l’armée réduise encore ses effectifs et se professionnalise. Sans citoyens-soldats, le nombre d’armes en circulation tendrait donc à diminuer, tant les armes en Suisse sont liées à l’armée de milice, comme nous l’avons vu précédemment. Rappelez-vous : « L’écrasante majorité des personnes armées en Suisse sont des militaires actifs ou sont rattachées à l’armée (…) »
Si cette hypothèse s’avérait bonne, elle ne se produirait cependant pas avant plusieurs dizaines d’années.